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Autorité de la chose jugée : le moyen nouveau ne permet pas de rejuger

Civil - Procédure civile et voies d'exécution
24/04/2019
La Cour de cassation rappelle aux juges du fond que l’autorité de la chose jugée empêche de faire juger à nouveau une affaire et ce quand bien même un moyen nouveau serait soumis.
À titre liminaire, l’article 1355 du Code civil dispose que « l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité ».

Les 15 et 21 juin 2007, des époux ont consenti au petit-fils de Madame une promesse synallagmatique de vente portant sur un immeuble. Dans l’attente de la régularisation de l’acte authentique, les vendeurs ont donné l’immeuble à bail à l’acheteur et son épouse.

L’un des vendeurs décède le 10 septembre 2007 ; la régularisation de l’acte de vente n’intervient pas. Le 5 octobre 2009, la vendeuse signifie aux locataires un congé pour vente avec effet au 31 août 2010. Cette dernière décède le 18 octobre 2009, les locataires assignent alors les deux enfants du défunt pour obtenir la nullité du congé pour insanité d’esprit.

Le 12 décembre 2011, un tribunal d’instance déclare cette demande irrecevable, se déclare incompétent pour apprécier la validité de la promesse au profit d'un tribunal de grande instance et sursoit à statuer sur la validité du congé pour vente. Par la suite, le tribunal de grande instance déclare nulle la promesse de vente pour insanité d’esprit, le 7 décembre 2015 le tribunal d’instance juge le congé pour vente régulier et déclare les locataires irrecevables à contester la validité du congé, leur expulsion est prononcée.

La cour d’appel juge quant à elle recevable l’action en nullité du congé et déclare celui-ci nul et de nul effet. En effet, les juges du fond considèrent que la demande en nullité présentée aux premiers juges était fondée sur l’insanité d’esprit de la bailleresse. Pour autant, l’irrecevabilité de l’action en nullité a été prononcée sur le fondement des dispositions de l’article 414-2 du Code civil selon lesquelles seuls les héritiers du défunt disposent de l’action en nullité, pour insanité d’esprit, à l’encontre des actes faits par lui. Dès lors, ne s’agissant plus de juger la recevabilité de l’action au regard de l’insanité d’esprit de l’auteur de l’acte mais au regard d’une autre cause d’irrecevabilité, les juges du fond considèrent donc que l’autorité de la chose jugée ne peut être opposée aux demandeurs.

La Haute juridiction, au visa de l’article 1355 précité, censure en tous points la décision des juges du fond : « Il incombe au demandeur, avant qu’il ne soit statué sur sa demande d’exposer l’ensemble des moyens qu’il estime de nature à fonder celle ; qu’il s’ensuit que, dans une même instance, une prétention rejetée ne peut être présentée à nouveau sur un autre fondement ».
L’action en nullité du congé ayant été jugée définitivement irrecevable, elle ne pouvait être jugée à nouveau et ce conformément à l’autorité de la chose jugée attachée à la décision de première instance.
Source : Actualités du droit