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Colloque au Conseil d’État : le référé

Public - Droit public général
03/12/2019
À l’aube du vingtième anniversaire de la loi du 30 juin 2000 relative au référé devant les juridictions administratives, le Conseil d’État a consacré l’édition 2019 des Entretiens du contentieux à l’impact de ces procédures, qui ont révolutionné la justice administrative.
Le colloque, qui s’est tenu vendredi 29 novembre au sein de la salle d’Assemblée générale, a été ouvert par Bruno Lasserre, vice-président du Conseil d’État, qui a rappelé avec nostalgie l’effervescence qui régnait au sein de la Haute cour lors de l’adoption de la loi n° 2000-597 du 30 juin 2000. M. Lasserre, au cours de son introduction, a également fait part du grand succès des référés administratifs, qui ont selon lui amélioré la confiance des justifiables envers la juridiction administrative, et révolutionné le contentieux.
 
La journée a été conclue par la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, qui a souligné qu’avant l’introduction des référés et l’entrée en vigueur de la loi du 30 juin 2000, si la justice administrative était louée pour la sagesse et la rigueur de ses décisions, elle était très critiquée pour sa lenteur, « talon d’Achille de la juridiction administrative », selon la garde des Sceaux.
 
La ministre a salué le rôle de Daniel Labetoulle, alors président de la section du contentieux, qui a su porter la réforme au sein des juridictions administratives. Selon Mme Belloubet, les référés ont « renforcé la place du droit dans la juridiction administrative », et placé le juge administratif au cœur des débats de l’actualité, notamment grâce au référé-liberté.
 
La loi du 30 juin 2000, une véritable nécessité
 
Avant l’adoption de la loi, a souligné Bruno Lasserre, l’état des procédures d’urgence n’était pas satisfaisant. Il existait des procédures ponctuelles, en dehors desquelles l’on avait recours au sursis à exécution ou à la voie de fait.
 
Les intervenants sont revenus sur la décision du Tribunal des conflits Préfet de police de Paris c/ TGI (T. confl., 12 mai 1997, n° 03056), qui avait été l’occasion à l’époque de souligner les lacunes du juge administratif et le manque d’outils nécessaires pour statuer rapidement. Il existait donc une réelle nécessité de garantir le droit au recours devant les juridictions administratives, qui a conduit à l’adoption de la loi du 30 juin 2000.
 
Une révolution pour le contentieux administratif
 
Les intervenants ont insisté sur le fait que les référés ont permis la redécouverte de l’oralité au sein de la juridiction administrative. L’audience est devenue le point fort du procès, a souligné Elisabeth Baraduc, avocate au Conseil d’État et à la Cour de cassation, ancienne présidente de l’Ordre. Les parties se sentent désormais entendues, selon l’avocate.
 
Ils ont par ailleurs rappelé que l’introduction du juge unique avait été une révolution pour le procès administratif.
 
Des affaires très médiatisées
 
Les intervenants ont rappelé que les juges avaient eu à se prononcer dans le cadre de référés sur des affaires sensibles et très médiatisées.
 
Ainsi, c’est dans le cadre d’ordonnances rendues en référé que la Haute cour a pu se prononcer sur l’interruptions des traitements de Vincent Lambert (CE, ord., 24 avr. 2019, n° 428117), la tenue des spectacles de Dieudonné (CE, ord., 13 nov. 2017, n° 415400, v. actualité du 16 nov. 2017), ou encore le port du burkini sur les plages françaises (CE, ord., 26 août 2016, n° 402742, v. actualité du 29 août 2016).
 
Interrogations et défis pour les juridictions administratives
 
Les intervenants ont évoqué les interrogations auxquelles les juges ont dû répondre et notamment la façon dont doit être entendue la condition d’urgence, ses liens avec les autres conditions, et la difficile mise en balance à faire entre l’urgence à suspendre et l’urgence à ne pas suspendre.
 
Ils ont fait le point sur les défis actuels et à venir pour la juridiction administrative : faire face à l’augmentation du nombre de référés, à sa potentielle instrumentalisation, notamment lorsqu’il est utilisé pour pallier les difficultés d’organisation de l’Administration, et faire preuve de pédagogie lors de la communication sur les décisions, en rappelant que le juge doit également se prononcer sur le fond de l’affaire.
 

La journée s’est articulée autour de quatre tables rondes :
  • La transformation des pratiques du côté du justiciable, présidée par Louis Boré, président de l’Ordre des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation ;
  • L’urgence, présidée par Jean-Denis Combrexelle, président de la section du contentieux du Conseil d’État ;
  • Un nouvel office pour le juge administratif, présidée par Daniel Labetoulle, président honoraire de la section du contentieux du Conseil d’État ;
  • La protection des libertés publiques, présidée par Camille Broyelle, professeure de droit public à l’université Panthéon-Assas.
 
Pour en savoir plus sur les référés devant les juridictions administratives, voir Le Lamy Droit public des affaires 2019, n° 4764 et s., et notamment :
  • pour le référé-suspension, n° 4771 et s. ;
  • pour le référé-liberté : n° 4785 et s. ;
  • pour le référé-mesures utiles : n° 4796 et s. ;
  • pour le référé-constatation : n° 4816 ;
  • pour le référé-instruction : n° 4817 et s. ;
  • pour le référé-provision : n° 4822 et s.
Source : Actualités du droit