Retour aux articles

Protection fonctionnelle : quid en cas de différend avec le supérieur hiérarchique ?

Public - Droit public général
07/07/2020
Dans un arrêt rendu le 29 juin 2020, le Conseil d’État apporte deux précisions importantes sur l’octroi de la protection fonctionnelle en cas de conflit avec le supérieur hiérarchique. Il annonce ainsi que la protection peut être due en pareil cas si les actes ne sont pas rattachés à l’exercice normal des fonctions, et que l’auteur de l’acte n’est pas compétent pour prendre la décision d’octroi de la protection.
Un praticien hospitalier avait demandé le bénéfice de la protection fonctionnelle, déclarant avoir été victime d’une agression verbale et physique de la part du directeur du centre hospitalier. Après un refus de la part du directeur du centre, lui-même mis en cause, l’agent a saisi le tribunal administratif, qui a fait droit à sa demande. Après l’annulation du jugement en appel, l’agent se pourvoit en cassation.
 
Le directeur du centre hospitalier étant à la fois l’auteur présumé des faits pour lesquels la protection fonctionnelle était demandée et l’autorité décisionnaire, ce litige soulève un problème quant à l’impartialité.
 
Le conseil d’État, dans son arrêt (CE, 29 juin 2020, n° 423996), rappelle que « le principe d’impartialité, rappelé par l’article 25 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, s’impose à toute autorité administrative dans toute l’étendue de son action, y compris dans l’exercice du pouvoir hiérarchique ».
 
En l’espèce, la cour administrative d’appel de Bordeaux avait jugé qu’un agent ne pouvait se prévaloir du principe d’impartialité à l’encontre d’une décision émanant de son supérieur hiérarchique, et sur ce fondement, avait annulé le jugement de première instance.
 
Litige se rattachant à l’exercice du pouvoir hiérarchique
 
La Haute cour, réglant le litige au fond, déclare que si la protection fonctionnelle « n’est pas applicable aux différends susceptibles de survenir, dans le cadre du service, entre un agent public et l’un de ses supérieurs hiérarchiques, il en va différemment lorsque les actes du supérieur hiérarchique sont, par leur nature ou leur gravité, insusceptibles de se rattacher à l’exercice normal du pourvoir hiérarchique ».
 
Ainsi, la protection fonctionnelle peut bien s’appliquer pour les différends entre un agent et son supérieur, à condition que ces différends ne soient pas susceptibles de se rattacher à l’exercice du pouvoir hiérarchique.
 
En l’espèce, il s’était produit « une très vive altercation » entre l’agent et le directeur du centre hospitalier « dans le couloir d’entrée du bloc opératoire, avant une intervention chirurgicale à laquelle (l’agent) devait participer ». La Haute cour déduit de ces éléments que le litige ne peut être regardé comme se rattachant à l’exercice normal du pouvoir hiérarchique.
 
Supérieur hiérarchique et impartialité
 
Sur le fait que la demande de protection fonctionnelle soit adressée à l’auteur des faits litigieux, le Conseil d’État interdit, en raison du principe d’impartialité, au directeur du centre hospitalier de prendre la décision d’octroi ou non de la protection fonctionnelle.

Il déclare ainsi qu’« il résulte du principe d’impartialité que le supérieur hiérarchique mis en cause (…) ne peut régulièrement, quand bien même il serait en principe l’autorité compétente pour prendre une telle décision, statuer sur la demande de protection fonctionnelle présentée pour ce motif par son subordonné ».
 
En l’espèce, s’agissant d’un directeur de centre hospitalier, la Haute cour considère qu’il appartient à ce directeur de transmettre la demande de protection fonctionnelle au directeur général de l’agence régionale de santé dont relève son établissement.
 
 
Pour en savoir plus sur l’obligation de protection des fonctionnaires, v. Le Lamy Fonction publique territoriale n° 605-7 et s
Source : Actualités du droit